Réponse des Acadiens au sieur Perrault
    De Miquelon, le 16 septembre 1764.
    Monsieur, 
    
    
    
    Nous avons reçu l'honneur de votre lettre par 
    laquelle vous parlez des grands avantages qu'on nous propose en 
    acceptant le parti de passer à Cayenne, suivant les intentions du ministre 
    de France. Tout nous paraît très avantageux, mais nous vous prions, 
    monsieur, de faire attention qu'un pays aussi chaud que celui de 
    Cayenne nous coûterait trop cher, de même que les pays chauds nous ont coûté 
    où les Anglais ont transporté nos gens par la force, d'un climat si 
    excessivement chaud en comparaison de celui de l'Amérique du Nord qui est 
    tempéré et d'autant sain pour nous qu'il est notre pays natal.
    Quelque avantage qu'on nous propose 
    en acceptant ce parti et quelques menaces qu'on nous fasse pour 
    le faire, nous préférerons toujours la vie à tout, et jamais nous 
    accepterons le parti de quitter ce climat ici. C'est le sentiment commun de 
    tout notre monde, quoique le nombre en soit petit après avoir perdu la 
    majeure partie, tant par la faim, la prison et les mauvais traitements des 
    Anglais pour nous faire accepter leur parti et changer de sentiments pour 
    notre grand monarque. Mais rien n'y a pu réussir. L'affection 
    pour notre grand roi et notre patrie l'a emporté sur toutes les peines des 
    fers et toutes sortes de mauvais traitements que nous avons souffert de l'ennemi. 
    Ainsi, le petit nombre que nous sommes, étant réchappés de tant de maux, et 
    rentrés dans le sein de notre patrie, nous espérons que notre bon roi de 
    France, notre père, voudra bien nous traiter comme ses pauvres enfants et 
    fidèles sujets de son grand pouvoir, en ne nous contraignant pas de passer 
    dans un climat si opposé à celui de notre naissance. Qu'au contraire nous 
    espérons de sa bonté qu'il nous fournira les secours possibles pour 
    conserver des jours que nous coulerons en demandant sans cesse que la 
    bénédiction du Seigneur tombe sur un si bon monarque et son empire, en 
    attendant qu'il nous fournisse l'occasion de verser notre sang 
    pour sa défense et celle de son empire, comme ont fait nos pères et que nous 
    sommes prêts de faire dans mille rencontres.
    Voici, Monsieur, nos derniers sentiments à ce 
    sujet et nous espérons que notre bon roi de France ne nous en traitera pas 
    plus mal, attendu qu'il n'y a rien contre sa volonté, son intention étant de 
    ne contraindre personne à passer à Cayenne, et vous prions de nous croire 
    très respectueusement,
    Monsieur
    Vos très humbles et très obéissants serviteurs
    Les Acadiens de Miquelon
    [Signé:] 
    Joseph Vignau Jacques Bourgeois